LES MOTS DU PASSE de Jean-Michel DENIS

A première vue, on se dit qu'il va falloir une motivation certaine pour venir à bout de ce pavé de 700 pages qui traite d'un sujet déjà largement rebattu : la Seconde Guerre Mondiale (et pas la Deuxième, soyons optimistes!). En réalité, ce roman est d'une lecture très fluide et si ce n'est sur la fin, il n'y a aucun temps mort.

Nous sommes en 2003. Alors que Louis s'apprête à partir faire sa traditionnelle balade en mer avec son fils, il reçoit un appel urgent de son père Pierre, resté à PARIS. Le vieil homme de 83 ans, qui a toujours été si secret, veut parler à son fils et lui parler tout de suite, ça ne peut pas attendre. 

Pierre va alors livrer à Louis le récit sa vie. Il avait 20 ans au début de l'occupation allemande; il rêvait de gagner la course cycliste des Six jours au VEL d'HIV avec son ami Marcel et contrairement à celui-ci, engagé auprès des communistes, il ne se sentait nullement l'âme d'un héros. Pourtant, bien vite, face aux atrocités commises par les nazis et suite à sa rencontre avec sa fiancée Sarah, il n'aura d'autre choix que de s'élever et résister pour défendre la liberté.

Louis découvre que son père a été -même s'il s'en défend- un héros de la Résistance, et comprend à quoi il doit cette main handicapée dont personne ne devait jamais parler. En dévoilant à son fils cette période très sombre de son destin, Pierre n'imaginait pas qu'il ferait rejaillir à la surface des personnages qu'il croyait perdus à jamais, et c'est ainsi que sur la fin, on passe d'un roman historique à une quasi enquête policière lorsque revenus en 2003, Louis aide son père à partir sur les traces des possibles survivants de son histoire. Louis est en effet persuadé qu'avec les moyens modernes, on peut essayer de connaître la destinée de ces gens que la Guerre a séparés et dont on a peut-être à tort supposer la funeste fin.

On pourrait penser qu'il s'agit d'un énième livre sur le même sujet, mais c'est un formidable roman. Les personnages principaux que sont Pierre et ses amis Marcel et Sarah, mais également les personnages secondaires, sont extrêmement attachants. J'avoue qu'alors que les attentats du 13 novembre venaient juste d'être commis, le combat de ces jeunes gens pour défendre leur liberté au péril de leur vie et s'opposer à l'obscurantisme nazi a eu pour moi une résonnance particulière. Clairement, les mots du passé sont aussi les maux du passé et ils n'ont jamais cessé d'être d'actualité.

Par ailleurs, la découpe originale de ce roman évite toute longueur. L'histoire commence en 2003, remonte en 1939 avec des incursions de l'époque actuelle au fur et à mesure du récit du vieil homme et finalement revient là où elle a commencé, pour finir par une véritable enquête, peut-être un peu longue, mais qui tient en haleine et dont on a hâte de connaître le dénouement. Une originalité qui permet à l'histoire de conserver un bon rythme et qui fait aussi, avec la qualité des personnages, la saveur de ce roman.

ANNE-CE

LES MOTS DU PASSE de Jean-Michel DENIS, paru aux Editions Les Nouveaux Auteurs en mai 2012